Tout de suite bien évidemment des nouvelles de notre ami…

Parce que la base de notre boulot, qu’on soit animateur, journaliste, chroniqueur, que ce soit en radio sur un écran de télé, c’est quand même notre façon de nous exprimer, je voulais m’arrêter un instant sur ce mystère qui fait que, quand on n’est pas concentré, ou déconcentré par un évènement perturbateur, on va utiliser, pour cacher notre gêne, pour (quelle horreur !) meubler l’antenne des mots qui, étymologiquement disent exactement le contraire de ce qu’on est en train de dire !

Je m’explique : alors que tel journaliste est en train de nous expliquer en direct la victoire imminente d’un parti inattendu à des élections, le nom du parti lui échappe totalement. Pas de bol. Vous connaissez ça : le trou, stupide, le nom du mec assis en face de vous tous les jours qui vous échappe au moment de le lancer, tout ça… L’enfer, quoi…

Alors, il fait quoi, mon (bon, au demeurant) journaliste ? Il dit « attendez, le nom m’échappe là tout de suite, ça va me revenir, ne m’aidez pas, c’est pas encore Alzheimer… » ? Non, il allonge sa phrase le temps que ça lui revienne en ajoutant au choix :

  • Evidemment
  • Bien évidemment
  • Bien sûr

On est d’accord ? Or, si on réfléchit bien, si ça ne lui venait pas, c’est que ça n’est pas si évident que ça, n’est-ce pas ? Il a donc dit exactement le contraire de la réalité qu’il est en train de vivre.

Et toi, là, qui ricane bêtement en lisant mes élucubrations du jour, tu l’as connu ce trou au moment de lancer ton chroniqueur, au moins une fois juste avant de dire (mézunpeutar) qu’on ne t’y prendrait plus ! Et tu as dit quoi, le temps de retrouver le nom qui ne voulait pas venir tandis qu’une goutte de sueur dégoulinait le long de ton aisselle tout en enfumant légèrement le studio juste le jour où la clim’ est en carafe depuis deux semaines ? Tu as dit… On va retrouver… euh… notre ami et là (parce qu’il y a un Dieu pour les animateurs pas concentrés) c’est revenu. Enfin je te le souhaite.

Ah, parce que tu oublies le nom de tes amis, toi ? Sympa, non, vraiment, précieux comme pote…

Bref, foin d’ironie facile : je parle d’expérience. Pour ma part, quand j’ai eu un trou au moment de lancer le journaliste qui faisait le journal de midi tous les jours, je lui ai demandé : rappelez-moi votre nom  (oui, la te-hon absolue) et j’ai fait le kéké (on ne se refait pas) en ajoutant : faudra vraiment qu’on répare le circuit de vidéo interne ! Ouais. Sauf que ce n’était pas à RTL que ça s’est produit mais dans un sous-sol à Bobigny, à TSF 93 (oui pouah radio coco, je sais, chacun ses casseroles) où on ne risquait pas d’avoir besoin de ce genre de truc !

Tout ça pour dire quoi ? Une fois encore, que nos métiers sont des vrais métiers, avec une composante artistique (la part d’impro) qu’il est important de travailler, que notre cerveau est un muscle qui ne répond pas toujours comme on voudrait et que ces formules qui nous viennent automatiquement non seulement sont des contre-sens absolus qui attirent l’attention du public sur nos défaillances mais que, surtout, une fois encore, on a présumé de nos forces et pas suffisamment travaillé notre prise de micro immédiate.

A une époque où tout le monde s’accorde enfin pour dire que le contenu sauvera (quelles que soient ses formes futures) notre média, travailler ça (aussi), c’est plus primordial que jamais.

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