Les quelques missions de formation que j’ai eu le plaisir de me voir confiées à RFO m’ont permis de travailler avec les équipes locales les notions combinées de service public et de continuité de ce service à l’extérieur de la métropole.
Tout a commencé dans les conditions compliquées que vivait alors la station de La Réunion. Dans ses locaux du Barachois, la station de Saint-Denis vivait une crise (dont certains estiment d’ailleurs sur place qu’elle serait son état normal !). Il a d’abord fallu faire admettre à l’équipe (je pense d’ailleurs que certains ne l’ont jamais admis jusqu’à mon départ) que je ne venais pas pour m’installer, que je ne serais pas le prochain taulier. Puis, il a fallu imaginer la place idéale de la radio la plus riche de l’île sur l’échiquier local. Et admettre qu’il ne fallait pas s’attendre à passer devant Freedom, la N°1 historique.
C’est la même discussion aux Antilles, où RCI restera surement en tête longtemps, le service public n’ayant pas vocation à utiliser les mêmes armes, qui ne sont pas toujours tout à fait reluisantes (je pense surtout à Freedom, la station du « ladi lafé »…
C’est surement en Guyane, à Cayenne, ou encore à Dzaoudzi (Mayotte) que la question du service public est la plus pertinente. Et la plus complexe. RFO voit de la France, empire colonial encore et toujours ? Ou RFO, radio au service d’une population locale, riche de ses origines multiples et de ses identités complexes ? Le débat n’est de toute évidence pas tranché, et trop politique pour l’être.
Pourtant, est-ce si naïf que ça de s’étonner que RFO Cayenne (à l’époque du moins) ne propose aucune émission pour les Bushinengués. Tout au plus une chronique sur les Bushinengués. Au moins, à Mayotte, une bonne partie des programmes est-elle réalisée en français et en mahorais. Mais Mayotte, et ce n’est pas le moindre de ses paradoxes, est sans doute l’île la plus tolérante et la plus cool de nos possessions d’outremer.
Qu’on ne se méprenne pas : J’emploie à dessein ces termes qui fleurent bon la France coloniale car c’est toujours le cas. A Mayotte, par exemple, alors que je déjeunais dans un restaurant tenu par un métro, il écoutait à plein tube, et en boucle, l’immortel tube de Michel Sardou : le bon temps des colonies. Ca ne s’invente pas. Par moments, on se croirait dans La Victoire en Chantant, le formidable film de Jean-Jacques Annaud. D’ailleurs, à quelques centaines de mètres de ce restau, se trouve ce qu’on appelle dans nos départements l’hôtel de la préfecture. A Mayotte, c’est « La Résidence ». Oui, hein ?
Bref, dans ce contexte… particulier, la mission d’une radio de service public ne doit pas se réduire à rediffuser en local les émissions de France Inter (Le Fou du Roi, au milieu de l’après-midi sur Radio Saint-Pierre & Miquelon, je vous recommande, c’est surréaliste !). Il faut savoir imaginer des émissions séduisantes, légères, faciles, pour attirer le plus grand nombre mais savoir aussi aborder les thèmes graves et les sujets qui fâchent.
Et, tandis que les hommes (il y a de formidables animateurs dans les stations locales RFO, en Guadeloupe, par exemple, mais aussi en Martinique, à la Réunion…) aiment le divertissement, ce sont les femmes qui ont relevé le défi des émissions de fond. Elles qui font avancer la société en parlant des sujets graves. Ménie Grégoire a fait des émules, dans nos îles. Comme elle l’a fait dans les années 70 en métropole, elles abordent les vrais sujets de la vie des femmes (et dans une île comme Mayotte ou la polygamie existe encore, il y en a de vrais !) et se heurtent à l’hostilité des machos dominants.
Avoir, un peu aidé ces femmes dans leur mission, en les confortant et en leur donnant des trucs de métiers pour, un peu alourdir leur charge, est sans doute l’une de mes plus belles fiertés professionnelles.
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