Alors bon, c’est entendu, d’accord, nos radios doivent être en phase avec leurs auditeurs. C’est la moindre des choses.
Ainsi, des années 60 aux années 90, les périodes de grand rush estival nous ont permis de mettre à l’antenne des opérations spéciales dédiées, des « autocollants Europe 1 » aux radio-guidages de toutes sortes.
Puis, les habitudes d’écoute ont évolué et on a vu apparaître les radios d’autoroute dont on peut espérer un traitement plus immédiat et déconcentré de l’info, et finalement, les applications diverses et variées qui, de Sytadin à Waze en passant par Google Maps, Navigator, j’en passe et des moins bonnes, permettent de réfléchir intelligemment son parcours, et de l’infléchir en cours de route grâce à une actualisation permanente.
D’autres technologies, plus adaptées, nous ont remplacé sur ce terrain, il fallait inventer autre chose. Pour autant, il fallait continuer à s’adresser à l’auditeur coincé dans les bouchons (que les applis sus-mentionnées ne lui ont pas permis d’éviter puisqu’il a voulu partir au même moment que tout le monde, au risque de se retrouver naufragé de la route (1).
Alors la bonne question à se poser est : qu’est-ce que l’auditeur coincé dans les embout’s a envie d’entendre pour se changer les idées, se détendre, penser à autre chose ?
L’été dernier, la réponse de Sud Radio (2) a été de proposer… une émission consacrée aux bouchons et aux embout’s.
(Là je laisse un petit espace destiné à exprimer ma stupéfaction profonde…)
Oui, vous avez bien lu (sinon remontez mais je pense que c’est inutile), pour changer les idées des auditeurs dans la mouise, on leur donne tous les détails de leur mouise ! Pire, on lance même un jeu sur la longueur des bouchons cumulés finalement atteints dans la journée ! Autrement dit on spécule sur la profondeur de ladite mouise ! Et toute la bonhomie et la chaleur communicative de Laurence Péraud, l’animatrice tous-terrains, ne réussit pas à gommer le côté anxiogène du produit qui aurait dû faire exploser le Médiamétrie… mais finalement pas.
Sur le papier, c’était le prototype de ce que les spécialistes s’accordent à appeler « une idée à la con« . A l’arrivée, ça se démontrait.
Or voilà-t-il pas que, sur le chassé croisé de 2016 (3), c’est RMC qui nous fait la même ! Et toute la bonhomie de François Sorel… (bis repetita toussa…). Ce qui ne manquera pas de rappeler à certains vétérans de ma génération cette saison des années 90 ou NRJ a failli périr d’avoir trop copié son challenger (Fun Radio), regardant dans le rétro, au lieu de tailler la route ! (4)
Bref, non contente d’avoir viré la Ménie Grégoire des temps modernes (aka Brigitte Lahaie dont la deuxième carrière est l’une des grandes trouvailles de la période èremecienne qui s’achève), RMC, décidément en panne d’inspiration, va chercher ses idées dans les aberrations de celle qui, de son côté a essayé de la copier, sans en comprendre les ficelles. (5)
Eh oh, les potos !! Vous avez essayé de rester bloqué 30 minutes en plein cagnard sur l’autoroute avec ce foutu péage qui n’approche pas et d’écouter que c’est pareil sur toute la longueur de l’autoroute mais que le tronçon entre Valmondois dans le D…non, le Perche et Hordicy-sur-l’Eure est dégagé depuis que le putois écrasé a été nettoyé par un patrouilleur ???
Mon conseil aux auditeurs : Ne jamais s’embarquer pour ce genre d’odyssée sans quelques bons vieux podcasts de Rendez-Vous avec X (oui, France Inter l’a arrêtée, je sais, d’où l’importance du podcast), de pièces de fictions.franceculture.fr, des Papous dans la Tête ou de A voix nue, bref de toute cette bonne radio qui pré-existe mais qu’on a oublié de nous programmer justement à ce moment-là !
Parce que l’idée, finalement, ce n’est pas d’en rajouter mais d’accompagner l’auditeur pour lui faire passer plus agréablement ce mauvais moment !
Edit 18h46 : L’ami José Garcia (le vrai, l’homme de radio), qui me fait l’amitié de lire régulièrement mes élucubrations, me signale que RMC fait cette émission depuis plusieurs saisons et que « c’est plus un show sur les vacances qu’une session d’informations (auto)routières« . Ce qui a tendance à prouver en vrac et dans le désordre que :
- José est un observateur peut-être plus discret mais plus pointu que moi de RMC
- Que RMC reste précurseur, ce qui me paraît plus logique
- Que quand on fait le malin, il faut avoir tous les éléments
Quoi qu’il en soit, sur le fond, je reste d’accord avec moi-même et si j’aurais pu réécrire ce billet, le fait que je préfère ajouter ces précisions est une preuve, s’il en fallait, de mon honnêteté profonde et de ma fainéantise au moins aussi prononcée.
Les notes inutiles de bas de page :
(1) Affligeant cliché journalistique n°1
(2) Vous savez, cette radio qui ne cherche pas à rentrer dans le Médiamétrie !
(3) Affligeant cliché journalistique n°2
(4) On notera la pertinence de la parabole automobile sur le sujet…
(5) Vous suivez toujours ?