La fermeture récente d’une éphémère structure de primo-formation en radio a ramené sur le devant de la scène les difficultés de notre média à devenir adulte en se dotant de filières de formation fiables.
Cela n’est d’ailleurs pas seulement dû à des défauts propres à notre média mais bien au flou artistique qui prétend gérer la formation professionnelle et aux appétissants fromages qu’elle génère.
Pour la primo-formation, le problème est simple. Aucun contrôle à part celui du bouche-à-oreilles. Du coup, combien d’années aura-t-il fallu au Studio Ecole de France (et combien d’énergie à son estimable direction actuelle !) pour se débarrasser de l’encombrante (et désormais totalement injustifiée) réputation de « boite à fric » ?
Le cas de la formation professionnelle n’est guère plus reluisant. Précisons, pour que les choses soient bien claires pour tout le monde, qu’un numéro de déclaration d’organisme de formation n’est en rien un signe de reconnaissance professionnelle quelconque, ni un agrément d’aucune sorte. Ce n’est qu’une nomenclature administrative qui permettra (dans un certain cadre réglementaire) la prise en charge totale ou partielle des formations dispensées par l’organisme. A aucun moment, l’Etat qui a délivré ce numéro ne viendra vérifier la qualité des formations dispensées ni si celles-ci ne seraient pas, par hasard, détournées pour compléter le prix déjà prohibitif de tel logiciel, livré sans mode d’emploi, à charge pour la radio de compléter son achat en acceptant que l’apprentissage dudit logiciel soit accompagné d’heures de « formation professionnelle », dont le bénéfice ira au marchand de logiciel en question, privant ainsi la radio d’un volant d’heures de formation qu’elle aurait pu utiliser pour ce qui fait l’essentiel de sa fonction : son programme, et non l’informatique nécessaire à sa diffusion.
Quand on fait, comme c’est mon cas régulièrement, le tour de la France métropolitaine comme ultramarine et qu’on entend sur de multiples radios les mêmes sempiternelles formules creuses agrémentées des mêmes erreurs de base, quand on explique ça aux présidents des radios associatives, ou aux tauliers de radios B, ancrés chacun dans leurs certitudes très dates années 80/90, on mesure le scandale de ce détournement des fonds de formation professionnelle.
De même, autant on peut penser que la formule du Studio Ecole de France se rapproche le plus de ce qui est nécessaire à la primo-formation (qui, par définition, doit comporter un tronc commun pour permettre à ses élèves, même avec une spécialisation, de se tourner vers les différentes filières du marché du travail, en combinant leurs appétences avec les opportunités), autant (même si j’y ai participé un temps, mais ne dit-on pas que seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis ?) il est discutable de voir se multiplier les offres de formation professionnelle centralisées dans des centres de formations, fortement équipés, certes, mais nécessitant donc un remboursement d’infrastructures lourdes et rapidement dépassées. Qu’un centre de formation privé agisse ainsi, quoi de plus logique ? Mais que la création récente d’une formation qualifiante, dans un centre de formation dépendant d’un établissement public fonctionne de la même manière me laisse pour le moins perplexe. De fait, cette formation, sensée distribuer le diplôme le plus valorisant à ses stagiaires, organisée par des gens qui n’ont eux-même pas pris part au fonctionnement d’une radio depuis la fin de la CNCL, est installée dans des locaux de formation, loin de la réalité technique et locale des radios associatives pour lesquelles elle est supposée oeuvrer. Voilà qui me rappelle furieusement ces « formateurs » issus d’une radio française de service public à destination de l’étranger (que, lâchement, je ne nommerai point ici !) que j’ai croisés à Niamey et qui se vantaient, en 2010, de former tous leurs « apprenants », venus des minuscules radios communautaires de la sous-région, sur des Nagra à bande ! Leur ayant fait bêtement remarquer que, pour ma part, je voyais, dans lesdites radios, plus de copies crackées de vieilles versions de Cool Edit Pro (voire l’avant dernière version de l’ensemble de la suite A….e Master Collection) que de magnétophones analogiques, j’ai entendu comme réponse « nous, c’est ça qu’on connait. »
Voilà tout le problème. A s’éloigner du terrain, à s’installer dans sa tour d’ivoire après avoir kidnappé une qualification n’ayant qu’un lointain rapport avec les réels besoins du secteur, on répond à des questions qui ne nous sont pas posées, sans répondre aux réelles, celles du terrain, celles qui correspondent à la réalité et aux difficultés quotidiennes qui sont celles des radios locales, notamment associatives.
Par exemple, multiplier les exemples d’émissions réalisées par le service public, du haut de sa dotation qui lui permet de se doter d’effectifs que nous qualifierons pudiquement de confortables, au lieu de penser à comment rationaliser les « compte-rendus FSER » est, pour le moins, une perte de temps (il me vient à l’esprit une formule mieux adaptée mais qui manque furieusement d’élégance).
Voilà pourquoi, dans le cadre de la formation professionnelle continue, je reste non seulement un adepte mais un apôtre de la formation sur site. Et, si j’ai l’air dans ces lignes de prêcher pour ma chapelle, je ne prétends pas, loin de là, être le seul à fonctionner de la sorte, et c’est tant mieux (on a rarement raison tout seul). Certes, c’est plus compliqué, plus astreignant, de s’intéresser, avant de venir sur place, au cahier des charges de chaque radio, d’en écouter les programmes, d’en décortiquer les forces et les faiblesses, d’en dégager les lignes de forces et de prévoir à chaque fois un nouveau programme, une nouvelle progression, pour une équipe dans un cas bien précis. Après, bien sûr, on s’appuiera sur des techniques éprouvées et déjà appliquées ailleurs. Bien sûr, à symptômes égaux, on sortira une ordonnance proche. Pourtant tout sera modulé, adapté, en fonction de l’équipe, du moment précis dans l’histoire de cette radio, etc…
Dernier détail essentiel : quand le formateur est sur place, la radio est moins désorganisée que s’il faut remplacer tout ou partie de l’équipe. Rappelons, s’il en est besoin, que certaines de nos petites radios tournent avec une minuscule équipe (une seule personne, pour prendre l’exemple d’une des dernières radios où j’ai eu à intervenir en métropole). Si le formateur est sur place, toute l’équipe peut être concernée par la phase de formation, avec une minime désorganisation, souvent un simple allègement des programmes.
Puisque, comme c’était précisé plus haut, il n’existe d’autre contrôle de la qualité des formations que celui des participants, ou leurs employeurs (la formation « qualifiante » n’a obtenu ce pseudo-label que sur dossier, jamais grâce à un quelconque contrôle a posteriori !), on ne conseillera jamais assez aux clients que sont les donneurs d’ordres (même si la prise en charge financière est assurée par un organisme tel que l’AFDAS ou autre) de se montrer difficiles et exigeants sur le choix de leurs formateurs et d’éviter de se laisser bluffer par de beaux locaux, de magnifiques sites internet, etc… mais bien plutôt de demander aux anciens clients des différentes structures leur ressenti final et la valeur ajoutée par ladite formation à la qualité de leur antenne. Ainsi auront-ils moins de risques de vivre une mésaventure équivalente à celle des pauvres petits jeunes gens qui, ayant hésité entre s’offrir le Studio Ecole de France et l’autre organisme, ont choisi l’autre et sont désormais à sec et sur le sable.
Enfin j’ajoute que c’est la noblesse des bénévoles acharnés que sont les présidents de radios associatives (et le bonheur des formateurs) que de s’attacher à former le mieux possible les jeunes qu’ils emploient et qui sont l’espoir de notre media pour l’avenir.
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