(sous-titre : Encore que…)
Alors qu’on apprend que notre pauvre malade exilée du 8ème au 15ème arrondissement va encore subir une nouvelle greffe dont on peut craindre qu’elle soit aussi inutile que les précédentes, je vois traîner ici et là de belles photos de dernières délocalisations de la matinale. Et ces photos me posent question, sans vouloir le moins du monde donner le sentiment de tirer sur une ambulance (1), mais plutôt, en tant que formateur, pour tenter d’en tirer un enseignement.
Ces photos sont passionnantes pour nous autres professionnels de radio à tous les niveaux parce que c’est toujours enrichissant de voir comment s’organisent des équipes dont le savoir-faire technique est indiscutable. Mais, une fois le décryptage technique/espionnage industriel passé, il faut lire ces images autrement, en se demandant ce que cette débauche de moyens apporte à l’antenne.
Le premier (r)enseignement que m’apporte ces images, c’est que ces déloc’ se font en l’absence de public. Que ce soit dans une centrale nucléaire (rarement un lieu particulièrement accueillant) ou à Roland-Garros alors que les gradins sont vides, on constate une nouvelle fois la culture de l’entre-soi. Je ne reviens pas sur cette maladie chronique de cette antenne (plus forte que France Inter sur le sujet, le seul record qu’il valait mieux éviter) déjà évoquée plus tôt.
Première constatation donc : cette déloc’ n’a pas pour but de se rapprocher du public. Toutes les radios locales de France connaissent pourtant l’importance de rencontrer physiquement leur public, les « Trucmuche Radio Live », les showcase privés, les concerts particuliers, etc… sont essentiels pour apporter un petit plus aux auditeurs, personnellement touchés par leur antenne sur leur territoire, leur lieu de vie. Comme, pour les radios d’outremer, ces animateurs et journalistes qui arpentent les marchés chaque matin, sont en moto sur le bord des grands axes, au plus près de la vie quotidienne de ceux que l’on veut toucher. Même ces foutus « avis d’obsèques » si surprenants pour les métros sont plus proches des auditeurs que certaines de nos déloc’ parigo-parisiennes.
Là, non, on reste entre spécialistes (à la centrale), entre peoples (à « Roland », alors que les courts ne sont pas encore ouverts).
L’autre vertu de la déloc’, nous le savons tous et je ne me suis pas privé pour en profiter les quelques fois où ça a été possible, notamment sur Chérie FM où l’ami Laurent Thilbault Jr. n’était pas avare de ce genre d’organisation, c’est l’ambiance, le plaisir. Avantage ? L’équipe s’amuse, s’éclate, est contente d’être ensemble et ça se ressent à l’antenne. La complicité entre les animateurs lors des opés spéciales (si on ne tombe pas dans une familiarité excluante) est communicative et l’antenne s’en ressent. Etre en direct de l’Olympia quelques heures avant la Première avec la star du moment, faire vivre les dernières répétitions, exprimer son stress montant, c’est, avec nos auditeurs, passer comme eux quelques instants de l’autre côté du rideau rouge. Etre en direct et en public avec l’équipe d’un film à Disneyland c’est aussi une manière d’aller toucher un nouveau public, c’est donc bénéfique pour l’antenne…
Si on ajoute au plaisir de faire nos 3 heures de direct du vendredi depuis Rome plutôt que la rue Boileau celui de finir le week-end entre la Plaza di Spagna et le Colisée au frais de la maison de disques, on se dit qu’on a toutes les bonnes raisons d’en profiter. Pour autant, dans cet exemple, nous avions pris le soin d’organiser au préalable un grand jeu permettant d’inclure des auditeurs et de sélectionner ceux qui prendraient l’avion avec nous pour Rome et seraient avec nous en studio pour le direct avec l’artiste en vedette. Alibi ? Evidemment ! Mais c’était déjà ça, non ?
Je repose ma question : pourquoi quitter le confort de nos studios, nos habitudes douillettes, pour aller s’enfermer dans un lieu que, de toute façon, nous ne pourrons pas faire vivre réellement ? Qu’est-ce qu’on met à l’antenne depuis ce genre de déloc’ qui n’aurait pu être entendu depuis le studio ? Regardez-les, ces photos (merci David Vigery !) : des gens parlent sérieusement (à la centrale) ou rigolent (entre eux), à « Roland ».
A quoi ça sert ? J’ai bien un mot. Il s’écrit d’une seule main et est un peu grossier. Mais je suis excessif, c’est sûr.
Pendant ce temps-là, sur la radio qui a définitivement supplanté Europe, il y a toujours le Jeu des Mille Euro qui parcourt la France toute l’année pour nous faire entendre que les Français sont cultivés (2).
Ne pas faire pour faire mais faire parce que les choses ont un sens, proposer une lecture limpide de nos événements à nos auditeurs. Se faire plaisir, bien sûr !, parce que c’est contagieux, mais en n’oubliant pas de partager. Encore des grands principes sans doute considérés comme ringards par certains.
Mais peut-être qu’ils se gourent, va savoir. Peut-être que certains fondamentaux n’ont pas bougé.
(1) Quand c’est le cas, j’assume sans problème
(2) Et Nicolas Stoufflet m’engueule gentiment mais à juste titre quand je pointe les restes de parisianisme d’Inter
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